Cécile Andrieu
septembre / octobre 2019
Pourquoi un psychiatre psychanalyste s’autoriserait-il à présenter le travail de Cécile Andrieu ?
C’est bien que lui aussi, dans son travail au service de la langue, est à même de faire émerger la lettre qui nous est propre dans notre singularité de sujet. Jacques Lacan ne parlait-il pas « du mur du langage », mur du langage lui-même porteur de lettres dont nous sommes les dépositaires à notre insu.
La lettre comme passage est invitation de chacun à chaque UN mais aussi bien loin de ce que notre identité est censée nous donner et qui nous fige dans un espace souvent clos et imaginaire.
Plus que l’espace, lieu de l’exposition, ce qui apparait dans le travail de Cécile Andrieu c’est l’espace où la lettre se déploie, espace double où l’artiste se donne et donne à voir et regarder : que la lettre soit compressée, qu’elle puisse jouer au billard, qu’elle soit mise en boite ou qu’elle s’étale dans cet espace, la lettre demande à se libérer.
Plus que l’assemblage des lettres que l’artiste a découpé, fragmenté, fissuré, son travail nous renvoie au Réel porté par la lettre. Il appartient à chaque visiteur d’y trouver son chaque UN, sa signification, et ce que ce travail peut lui renvoyer comme message personnel, car la lettre propre à l’homme, n’est pas seulement un signe graphique fixé une fois pour toute.
Pourquoi l’homme à un moment de son histoire a-t-il été confronté à la nécessité de l’invention de la lettre ? N’est-ce pas la lettre qui a émergé de l’océan infini du Réel non seulement pour nous permettre de lire, d’écrire, mais pour nous interpeller par l’éventail de son sens et nous situer en place d’Être parlant et désirant ?
Robert Rabot, psychiatre et psychanalyste