Elisabeth Beurret
mars / avril 2017
Ce rouge, pour quel espoir  ?
Un seul rouge ne peut suffire.
Combien de rouges différents, contenus dans les racines de garance ? Que de savantes patiences pour en extraire les plus lumineux  ! Que de savoirs teinturiers pour les fixer sur la fibre de soie, de laine ou de coton !
Des artisans, hommes ou femmes, savent plier, froisser, étirer, froncer, ligaturer, pour réserver la couleur à des tracés longilignes ou à des rosaces multicolores.
Le papier se plie aux mêmes stratagèmes, se pare de faufilages, de points de couture, de nœuds et de ligatures.
Est-ce le fil du temps, ici ralenti   ?
Est-ce un timide vœu, ici enfermé, un secret précieusement conservé ? Une voix retenue ? Peut-être, car les paroles données aux plantes parfois s’égarent et se confondent en étranges bouquets.
Il faut pousser plus haut l’éloquence : la difficulté est de teindre avec ce rouge le papier fabriqué à partir des fibres de la même garance. L’aventure est d’explorer les paysages lointains des savoirs antiques. Les rouges patiemment se livrent, se concentrent et s’accordent autant à la fibre végétale qu’au feutre animal. Ils se souviennent du rouge turc d’Andrinople. La garance alors porte bien son nom de voyageuse.
Jean-Pierre Brazs