Eric Tissier
mars / avril 2016
Eric Tissier et les harmonies secrètes du monde
Les peintures d’Eric Tissier se regardent comme on chante un mantra. Elles sont faites pour nous porter et nous faire découvrir les harmonies secrètes du monde.
Si elles nous portent c’est un peu malgré nous : le vocabulaire, la composition, le choix des couleurs de chaque tableau sont agencés avec une très grande science et dessinent les chemins dans lesquels nous allons nous laisser prendre. Ce sont autant de signes dont la fonction magique est de nous capturer. Ces routes nous révèlent à la fois les mécanismes intimes dont est fait le monde, mais aussi la formidable convergence qui fait que chaque élément participe d’un tout qui nous dépasse. On se retrouve émerveillé comme on peut l’être en regardant des peintures aborigènes : on entre dans un paysage de rêve, mais de ces rêves bien particuliers qui fondent le réel et disent l’essence des choses.
Eric Tissier crée des formes géométriques abstraites dans lesquelles interviennent des éléments simples (ronds, triangles, carrés). Dans la calligraphie sino japonaise on pourra y reconnaitre l’eau, la terre, le feu. Ce vocabulaire permet une infinité d’ajustements. La couleur va leur donner des vibrations particulières, à la fois elle isole chaque élément, mais c’est elle qui va créer le jeu entre les cellules. On est dans du vitrail, et c’est la lumière qui va donner la vie à l’ensemble.
Nous sommes pris dans un double regard : réductionniste, attaché aux détails, et holistique dans l’appréhension d’un Tout qui nous fait approcher le mystère d’une réalité globale qui nous dépasse.
On peut être perplexe sur le sens à accorder à ces univers, mais la justesse et l’élégance de leurs ajustements, la force de leur présence, l’extraordinaire travail sur la lumière et la transparence produisent mieux que du sens : une adhésion.
Chaque tableau va nous décrire un univers bien particulier : une navette spatiale et les lois de la gravitation, une gare, l’intérieur d’une cathédrale, un observatoire où l’on constate qu’il y a une autre vie au-delà de notre planète, une usine à bonbons, une mégalopole… Tous ces sujets sont là pour nous proposer un chemin initiatique, et pour l’artiste c’est ce chemin qui importe.
Mais, il faut le dire fortement, il n’y a là aucun dogme, aucune vision du monde clef en main dont il faudrait bien qu’on se satisfasse. On est dans une peinture libre, ouverte. D’ailleurs autant Eric Tissier parle volontiers de la préparation de ses toiles, des recherches qu’il entreprend, autant il avoue que l’exécution lui échappe : la peinture se manifeste par elle-même, c’est elle qui s’organise. Et quand elle ne veut plus se manifester, il arrête et il reprend quand les circonstances redeviennent favorables.
Eric Tissier est un grand peintre qui développe depuis de nombreuses années un travail unique. Il importe que ce travail puisse être vu.

Eric Tissier est né en 1963. Il a un CAP de carrossier auto, mais il n’en a pas fait son métier. C’est en 1997 que démarre son aventure artistique. Timidement d’abord, en s’inscrivant dans des ateliers de formation aux Beaux Arts de Grenoble. Il y découvre une première chose : il a des facilités innées en dessin et en peinture.
En 2000 il fait un stage d’un an de restauration et de conservation de tableaux, et d’initiation à la copie des œuvres. Cette formation professionnalisante va lui permettre d’acquérir un ensemble de techniques raffinées à partir desquelles il va développer sa peinture.
Il découvre en même temps que ce qu’il recherche ne peut se satisfaire des codes académiques qui ont borné ses apprentissages. Il attend de la peinture qu’elle le conduise dans une plus grande conscience de soi et qu’elle permette à ceux qui regardent de partager ce chemin. Il lui faut trouver une adéquation entre ses recherches spirituelles et sa peinture. À l’instar du Bauhaus il s’attache à mettre au point un vocabulaire et une grammaire qui lui soient propres et qui soient porteurs d’efficacité symbolique.
Sa formation n’est pas seulement technique, elle est aussi d’ordre métaphysique. Il découvre des penseurs qui vont le guider dans son aspiration à se connaitre et à comprendre le monde : en Indes, ce sont entre autres Ramana Maharshi et Krishnamurti, en France René Guenon. Il lit beaucoup.
S’il explore ainsi les univers spirituels, il voyage aussi aux 4 coins du monde : l’Inde, la Thaïlande, le Costa Rica … C’est dans ces pays qu’il va découvrir les couleurs et les lumières qui vont s’intégrer à ses tableaux.
A partir de 2004 il commence à accrocher ses toiles dans le garage dans lequel il travaille, et depuis 2008 il participe régulièrement aux expositions collectives qui se déroulent dans la région grenobloise et la vallée du Grésivaudan.
Cette exposition est sa première exposition personnelle dans une galerie.
Mars 2016 Jean-Louis Bernard