Christian Rausch
décembre 2014
Après une douzaine d’années de pérégrination dans les contrées himalayennes et après quarante ans d’une vie de reporter photographe catalogué dans le registre photographe social, humaniste, au cours de mon dernier séjour, le paysage s’est imposé ???
Un choc !
Habitué à écouter mon instinct, je me suis laissé aller à cet exercice, pour moi inhabituel.
Au retour, ces images m’interrogent. Elles sont de celles que j’aimerais voir en grand format sur mon mur. Elles dégagent de la pureté, de la sérénité, un équilibre et une esthétique qui me touchent. J’en suis l’auteur mais c’est comme si ces images avaient leur propre vie, qu’elles existaient par elles mêmes.
Au fil de mes voyages, j’ai appris à côtoyer le bouddhisme tibétain.  J’ai été touché par la plénitude de ses pratiquants. J’ai appris à percevoir qu’ils vivent leur philosophie du lever au coucher.
Cette fois, je me dis que les paysages sont aussi porteur du sacré, ce sacré que vivent les peuples de culture tibétaine. Je ne suis pas le premier ni le seul à avoir ressenti cette impression face aux paysages himalayens.
Un des premiers explorateurs occidentaux à avoir parcouru cette région, Fernand Grenard ( Le Tibet Le Pays Et Les Habitants 1904), livre ce témoignage: « Cette montagne qui, retirée au milieu de cette région presque morte, semblait ne point daigner voir ce bas monde du haut de sa sérénité impassible et froide et vouloir de sa cime aiguë pénétrer et s’absorber dans le vide des cieux, était bien le visible symbole de l’âme bouddhique, qui cherche à s’isoler et se recueillir dans la contemplation des choses éternelles et de la perfection absolue, à se détacher de tout ce qui, bon ou mauvais, l’attache à cette existence périssable et troublée, des désirs et des craintes, des peines et des plaisirs, des affections et des haines, aspire à supprimer en elle tout besoin, toute sensation, tout mouvement, à se confondre dans l’infini du vide et du silence, dans la vie du néant, la seule absolue et parfaite, qui ne se sent, ni ne se souffre, ne se change ni ne s’achève. »
Alexandra David-Néel écrit en 1912 :  « Béni soit « cela » qui m’a préservé des routes banales, qui m’a fait gravir les Himalayas et ces invisibles Himalayas de la pensée si infiniment plus élevés que les autres! »
J’aime aussi cette idée formulée par Jacques Bacot explorateur voyageant dans le Kham ( Le Tibet révolté en 1912 ) « Ce que le Tibet a de plus extraordinaire, c’est de ressembler parfois aux autres pays. »
Maintenant, je peux laisser ces images vivre leur vie et venir à vous.
Christian Rausch